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J’aurais aimé vous relater mon histoire en commençant par le début, car toute histoire à un début. Pourtant le mienne est différente, elle ne commence pas de la même façon en tout cas. Tout autour de moi, je peux entendre les autres dire avec précision leur date de naissance, et s’amusant par la même occasion à donner l’heure exacte de leur venue au monde. D’autres rient en racontant l’accouchement, fier d’avoir fait souffrir leur mère pendant des heures avant de pointer le bout du nez, ou de simplement répéter les réactions des proches, et surtout celle du père qui ne pouvait qu’être heureux en prenant le bambin dans ses bras. Moi, je ne connais rien de tout ça. Je ne sais pas la date exacte de ma naissance et encore moins l’heure. Je ne pourrais pas vous raconter la réaction de mes parents lorsque je suis né, simplement parce que je ne les connais pas. Je n’ai pas eu l’occasion d’être choyé dès la naissance, d’être admiré par les yeux de mon père, d’être serré dans les bras de ma mère. Peut être l’a-t-elle fait un court instant, mais ma mémoire ne me permet pas de le savoir.

Quoi qu’il en soit, je fus placé dans une famille d’accueil, en espérant y rester tout le reste de mon enfance. Le problème, c’est que ce ne fut évidemment pas le cas. Lors de mes premières années, je fus rejeté des familles qu’on me trouvait, uniquement parce que j’étais trop pleurnicheur. J’avais de quoi pleurer, je ne connaissais pas mes vrais parents et je ne les rencontrerais sans doute jamais. J’avais été abandonné dès la naissance, je n’avais pas eu la chance de me montrer gentil bambin pour me faire accepter de ma mère. Placé en famille, je me retrouvais à nouveau abandonné. J’avais eu ma chance, mais le fait de savoir que ma mère m’avait délaissé m’avait attristé plus que tout, et se retrouver dans une famille qui n’était pas la nôtre changeait beaucoup de choses. Il y avait tant de différence entre les parents d’adoptions et moi qu’il suffisait d’un regard pour comprendre qu’à chaque fois, je n’étais pas leur vrai fils. C’était douloureux de se sentir chaque fois différent, j’avais l’impression de ne pas trouver ma place au sein de cette famille.

Replacé dans une autre famille, j’essayais de ne plus me mettre à pleurer pour des bêtises, et encore moins pour ma mère. Je me disais finalement qu’elle n’en valait pas la peine. Si elle m’avait abandonné, moi aussi je pouvais le faire d’une certaine manière. Je voulais changer, me forger mon caractère et changer cette image de pleurnicheur qu’on avait eu de moi. Je voulais montrer que malgré ma souffrance, je pouvais changer et me faire accepter par d’autres personnes. Si ma mère ne m’avait pas accepté, ce n’était pas pour autant que les autres me délaisseraient à chaque fois. Je faisais donc des efforts pour mettre de côté mes malaises, essayant de me fondre dans la famille. Malheureusement pour moi, il se trouvait qu’on me trouvait trop capricieux. Je ne comprenais pas pourquoi, j’agissais exactement comme ce garçon qui détenait le titre de grand frère. A croire qu’il n’y avait que lui qui avait le droit d’être capricieux, mais jamais on ne m’avait dit ce que je pouvais faire ou non. Je fus de nouveau placé dans le centre, attendant qu’on me reprenne dans une autre famille.

D’années en années, j’espère pouvoir tenir dans une famille sans être à nouveau abandonné. J’avais l’impression de me retrouver à la place d’un chien qui n’arrivait pas à se faire adopter. Oui, c’était exactement pareil. Il suffisait qu’on me regarde pour me trouver mignon et adorable, et de suite j’étais pris dans la famille, mais à chaque fois par après, je me retrouvais à nouveau au centre. Capricieux, encombrant, timide, distant, froid, insolent, manipulateur… Personne ne voulait me garder pour ces raisons. A ce rythme là, je préférais ne jamais quitter le centre pour rester orphelin toute ma vie. Ce fut ces épisodes là de ma vie qui me rendirent désagréable. M’approchant bientôt de mes dix ans, je compris très vite que plus personne ne me garderait ou m’adopterais tout simplement. J’avais appris à devenir très intelligent avec le temps et tout ce qui s’était passé en seulement dix ans. J’étais encore petit mais je me débrouillais très bien, et mon sens de logique et de la déduction m’avait conduit à cette conclusion. Dès lors j’en avais assez, je voulais finir cette vie qui ne me servait à rien. Je me faisais expulser de chaque école ou on me plaçait, montrant d’une certaine façon ma colère.

A l’âge de mes 15 ans, ma vie changea finalement. Je cru un moment que j’allais à nouveau être adopté, mais ce n’était pas ça, du moins pas tout de suite. Une femme me fut présentée et je ne su dire exactement pourquoi, mais mon cœur s’emballa. Quelque chose me disait qu’elle m’apporterait des bonnes nouvelles, que son regard pétillant ne pouvait que m’apporter de la joie. Je ne la connaissais pas, je ne savais pas qui elle était, mais rien que le fait de la voir m’était bénéfique. Peu après, elle se présenta à moi, comme étant ma mère. Ce fut un énorme choc pour moi. Mon cœur qui s’était emballé tout seul commençait à battre très vite, trop vite. D’une seconde à l’autre j’aurais pu m’évanouir, mais heureusement pour moi je su me contenir. Par la suite, j’appris la raison de mon abandon. Ce n’était pas moi la cause, mais l’homme qui me servait de grand père et la femme qui me servait de grand-mère. Sans comprendre pourquoi, ces gens là avaient interdit à la jeune femme de garder son enfant, peut être était-elle trop jeune à cet instant ? J’appris aussi la raison de l’absence de mon père à ses côtés. Un accident de voiture lui avait enlevé la vie. Je ne savais pas trop comment réagir en apprenant par la même occasion que la raison de cet incident était le fait qu’il ai trop bu ce soir là. Pourtant je ne fis pas de remarque, laissant cette femme me raconter certaines choses de sa vie qui répondait à la plupart de mes questions.

La plus grande nouvelle fut sans doute lorsqu’elle m’annonça qu’elle comptait m’adopter, me reprendre à ses côtés. Pas une seule fois elle n’avait cherché à se séparer de moi, et depuis toujours elle avait cherché à me retrouver. Quelques temps plus tard, sa promesse fut tenue. Je devins officiellement son fils. Je retrouvais enfin cette partie qui me manquait dans la vie. Je me sentais enfin normal, malgré mon passé. J’avais ma mère, ma mère biologique à mes côtés et rien ne pouvait me rendre plus heureux. Je n’avais aucune rancœur envers elle, sachant qu’elle n’y était pour rien et qu’elle m’avait toujours voulue. Je fus surpris de voir que malgré ses recherches pour moi, elle avait brillamment réussis sa vie et l’avait fondée avec un autre homme. Je n’avais pas à lui en vouloir, elle avait le droit de fonder une famille avec un autre homme, après tout elle ne m’avait pas oubliée, et c’était tout ce qui comptait. Malgré tout, je ne pouvais m’empêcher de me montrer quelque peu méfiant envers mes demi-frères et mon beau père. Je ne les connaissais pas et il y avait une certaine jalousie qui me poussais à ne pas être totalement sympathique avec eux. Oui, je devais le reconnaitre, j’étais réellement jaloux. Pendant que moi j’errais de famille en famille, croupissant aussi dans cet orphelinat sinistre, à me prendre la tête sur tout ces échecs, eux ils étaient bien nourris, ils étaient choyés et aimé pour ce qu’ils étaient sans avoir cette menace au dessus de leur tête qui pouvait tomber à n’importe quel moment. Eux n’avaient pas à craindre de retourner dans un orphelinat. Tout ce qu’ils risquaient pour mauvais comportement, c’était une bête punition et puis le reste était oublié.

Quelques semaines plus tard, j’avais finalement réussis à mettre cette jalousie de côté et à me lier d’amitié avec toute la famille. J’avais même réussis à tisser un lien fraternel avec mes demi-frères, fragile, mais il était bien là, et je comptais bien le solidifier. Avec mon beau père, ce fut très facile de l’accepter au bout du compte. Il était sympathique et cherchait à connaitre tout de mon passé. Ma mère me choyait et faisait tout pour combler son absence durant mes 15 premières années. J’en étais très heureux de ce retournement de situation, et je comptais bien le montrer. Pour ne jamais les décevoir, je m’arrangeais pour être dans les premiers de classe et être à leurs yeux un enfant modèle. Je me sentais enfin complet, heureux et totalement serein. La vie suivit son cours et je fit tout pour devenir professeur de sport, voulant transmettre ma passion pour ce domaine aux nouvelles générations.